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Les séries S et L d'un système éducatif malade

Les séries au lycée

 Un système éducatif sénégalais malade. Les séries « S » et « L » : de véritables « fourre-tout» ?

 images-10.jpg" Je suis venu pour s’inscrire. Je ne peux pas aller jusqu’à Kaolack pour s’inscrire ». Ces propos sortis de la bouche d’un étudiant interviewé  par un journaliste de la première radio privée du Sénégal et passés en boucle sur cette même onde, à la veille du retrait des cartes d‘électeurs en vue des élections législatives de Juillet 2012, suscitent notre indignation.

Qu’on ne se leurre pas, le culte de la médiocrité matérialisé par le colmatage plus connu sous le nom de « takalé» fait qu’on puisse franchir les échelons sans y mettre la manière. Le résultat final est alarmant : les plus hautes autorités du pays, des étudiants, des cadres, des ingénieurs  et même des professeurs ont de réels problèmes avec la langue française.  Plusieurs facteurs expliquent ce bas niveau qui a fini d’étendre ses tentacules sur tous les secteurs d'activités.

Cascade de réformes :

La formation à « l’école française », pour reprendre une expression chère à La Grande Royale[i], obéit à un règlement bien défini. Aux  six années (réduites pour certains du fait de leur prédisposition : doués ou surdoués) passées au cycle primaire, avec à la clef la réussite au concours d’entrée en sixième ;  viennent s’ajouter les quatre autres années du cycle moyen sanctionnées par l’obtention du Brevet de Fin d’Études Moyennes (qui a pour acronyme BFEM). A ce niveau, on avait une base solide porteuse d’aptitudes avérées. Hélas, on est allé de réforme en réforme, les unes fantaisistes, les autres idéalistes, comme l’attestent ces exemples qui suivent.

L’ancien Ministre de l’Éducation Kalidou Diallo avait, en son temps, promu une réforme qui avait trait à la fin des études primaires. Pour se justifier, il invoquait le stress auquel seraient confrontés les potaches en dépit de leur bas-âge. On assista à des pourcentages élevés d’élèves admis en classe de sixième, à la faveur de cette nouvelle réforme communément appelée « GOANA » (Grande Offensive Agricole pour l’Abondance, la Nourriture et l’Alimentation) pour paraphraser Maître Abdoulaye Wade, initiateur du fameux projet. Paradoxalement, les temps ont changé, de nos jours, il est possible de réussir au Concours d’Entrée en Sixième   et d’échouer au Certificat de Fin d’Études Élémentaires alors qu’on était habitué à l’inverse.

Depuis bientôt deux décennies, d’autres réformes dans le système éducatif avait fait qu’on pût se retrouver, en classe de seconde  sans avoir réussi auparavant à l’examen du BFEM. Au départ, on était admis au cycle secondaire lorsqu’on avait une moyenne de douze et plus,  présentement, beaucoup d’élèves sont orientés en seconde, malgré leur moyenne inférieure ou égale à dix (10).

On a ainsi ouvert les vannes depuis un assez long temps. Ce laissez-passer permanent entre les cycles a des conséquences fâcheuses car on se retrouve dans les classes, avec des élèves qui n’ont pas le niveau. C’est bien beau de déclarer ou de mettre en vigueur des politiques du « zéro redoublement» entre les classes intermédiaires, encore faudrait-il que la qualité y soit. Seul notre cher Sénégal y gagnerait énormément.

 Les séries « S. » et «  L. », de véritables « fourre-tout » ?

Pour accéder en seconde, un tri est fait normalement sur la base des profils, des aptitudes,  bref des notes obtenues antérieurement. Il se trouve que l’orientation est un véritable casse-tête chinois. Faudrait-il orienter les élèves dans les séries (Littéraires ou L ; Scientifiques ou S) prévues à cet effet, suivant les mérites ou faudrait-il les recaser suivant le nombre de places disponibles, au cas échéant en fonction de leur volonté. C’est bien de cette dernière hypothèse dont il s’agit  dans certains cas. Conséquemment, il est fréquent que des élèves accèdent en Terminales sans maitriser, paradoxalement, les rudiments de la langue française.  

Le fait qu’on veuille assimiler ces deux séries essentielles dans la formation des élèves à des espaces « fourre-tout », trouve en partie son explication dans le  laxisme qui caractérise le cortège de quelques écoles privées mues essentiellement par le seul souci pécuniaire. Dans ces dits-établissements,  qui pullulent sur toute l’étendue du territoire, des élèves passent en classe supérieure même avec des moyennes inférieures  à sept. Ainsi, on peut assister, au gré de tours de passe- passe,  à des candidats au Bac sans diplôme préalable. Un fait assez insolite, un candidat peut, durant la même année, par un concours de circonstances, se présenter au BFEM et au BAC.

La baisse du niveau des professeurs : une constatation cocasse !

L’auto-flagellation se justifie dans le secteur éducatif. Les performances sont décadentes : d’année en année, de génération en génération.  Nombre d’enseignants, très nostalgiques, n’hésitent pas à rire sous cape, devant quelques prestations jugées insatisfaisantes, médiocres à la limite de nouveaux éducateurs responsables et parfois victimes au premier plan de la baisse du niveau. Ils serinent  à tout-va que l’âge d‘or dans l’enseignement se situe des années soixante aux années quatre vingt  dix. En réalité, la qualité était le maître-mot dans l’école publique durant ces périodes avant qu’on instaurât des méthodes, sous l’égide des bailleurs de fonds qui, d’une manière ou d’une autre,  ont contribué grandement à ce que la quantité prenne le dessus sur la qualité. Décidément !

Pour rappel, le plan d’ajustement structurel, en vigueur sous l’ancien régime socialiste a pour corollaire, le recrutement massif et à moindre coût d’enseignants. Ainsi, on assista à la création de corps émergents regroupant les volontaires s’il s’agit du cycle primaire et des vacataires s’il est question des cycles moyens et secondaires. Ces deux corps dont on a tendance à se moquer, injustement, constituent l’essentiel du personnel enseignant.

Les performances dans les classes montrent que tous les professeurs se valent : ceux qui sont passés par la formation initiale  à la FASTEF (ex École Normale Supérieure), de même que ceux qui les y ont rejoints à la faveur de la formation à distance, peuvent bel et bien dispenser un enseignement de qualité. Toujours est-il qu’il existe, à côté, des professeurs qui promeuvent la qualité, d’autres qui, osons  le dire tout haut, n’honorent pas la corporation.

 Autorités étatiques interpelées :

Inutile de rappeler qu’il incombe à l’État d’assurer à ses citoyens, une formation de qualité. Dans un État « normal », le secteur éducatif ne doit point souffrir de maux ayant pour noms : grèves, bas niveau, laxisme…  Paradoxalement, pour avoir droit à une bonne éducation ; loin des grèves à répétition dans les établissements publics, il faut inscrire son enfant dans une école privée, gage de stabilité, de qualité, de discipline, etc. L’école publique sénégalaise est malade, loin s’en faut. Elle devrait retrouver son lustre d’antan. Ne serait-ce que pour susciter la satisfaction de toutes ces autorités qu’elle a formées. L’exception serait la grève, alors que, de nos jours, celle-ci est la règle. Triste constat !

 

M. DIALLO IBNOU

Doctorant ès Lettres Modernes, Option Grammaire Moderne

Professeur de Lettres Modernes (ibndiallo@gmail.com)

Blog : ibnoze.seneweb.com

par Ibnou Diallo, vendredi 3 août 2012, 21:18 ·

     

[i] Personnage figurant dans L’Aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane

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Commentaires (2)

Modou Mbacké Sougou
  • 1. Modou Mbacké Sougou | mardi 24 décembre 2013
Pourrait-on espérer une progression si on régresse au jour le jour ?
La baisse des niveaux, les effectifs pléthoriques et le manque d'éthique et de déontologie de certains enseignants sont entre autres les facteurs qui gangrènent notre système éducatif.
IBNOU DIALLO
  • IBNOU DIALLO | mercredi 25 décembre 2013
Se remettre constamment en question me semble la voie indiquée pour être à la hauteur. Un enseignant ne doit jamais dormir sur ses lauriers. Merci Modou Mbacké Sougou

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Date de dernière mise à jour : vendredi 02 juillet 2021