#sunumbir : c'est notre affaire ! 

Jean d'Ormesson de l'Academie française

Texte cent quarante-huitième

Texte choisi : « le charme de la grammaire, c'est sa bizarrerie » de Jean d’Ormesson 

I- Présentation de l’auteur : 

Membre de l’Académie française depuis 1973, Jean Bruno Wladimir François de Paule Lefèvre d'Ormesson est né en 1925 à Paris. Jean d’Ormesson est un ancien élève de l’École normale supérieure. Agrégé de philosophie, il reçut le Grand prix du roman de l’Académie française pour La Gloire de l‘Empire, 1971 et fut Directeur général du Figaro (1974-1977). 

Sources : Wikipedia, académie française.

II- Texte : 

Le téléphone sonnait.

- C'est assommant..., dis-je à Clara. Je peux laisser sonner. 

- Mais non ! me dit Clara. Répondez. 

C'était mon neveu Charles. Il a neuf ans. Ou peut-être huit, ou dix, je ne sais pas. Il est en CM2 - je ne sais pas non plus très bien ce que c'est. Ce que nous appelions la septième, je crois. Il voulait savoir - " Ah ! Bonjour, oncle Jean ... Euh ... voilà : j'ai besoin de ton aide ... Maman m'a dit ..." - comment s'écrivaient des chausse-trapes et le pluriel de portail et de soupirail. 

- Le pluriel de portail et de soupirail ? dit Clara. Je crois que c'est portails et soupirails. 

- Je crois que c’est soupiraux.

- Ça me semble bizarre.

- À moi aussi. Mais le charme de la grammaire, c'est sa bizarrerie. La grammaire n'est pas logique. Les règles sont ce qu'elles sont, un point, c'est tout. On peut les trouver absurdes - et il m'arrive de Les trouver absurdes.

- Vous n'y croyez pas, je pense, vous qui ne croyez à rien ? me dit Clara en riant.

- Pas plus qu'aux manières de table, à la façon de s'habiller, à la mode, à la politesse, à la vie en société, à la nation, à la famille, peut-être à la religion. Mais j'appartiens à une famille, à un pays, à une société, à une langue, à une religion. Je leur suis redevable : je me plie à leurs règles.

À tort ou à raison, je reconnais aux hommes en général une dignité particulière. Je les préfère, j'ai le regret de le dire, aux chiens si fidèles, aux chats que j'aime beaucoup, aux chevaux qui sont si beaux, aux canards sauvages, aux licornes, aux croyances, aux opinions des uns ou des autres, et même souvent aux miennes, aux attachements de toute nature, à toutes les règles possibles. Avant d'être ceci ou cela, ce que je suis d'abord, c'est un homme parmi les autres. J'appartiens au monde, à la Terre, à la vie, aux hommes. Vous n'imaginez plus que je trouve les Français supérieur s aux autres peuples? Ni ma famille meilleure que les autres ? Ni notre grammaire sans queue ni tête, avec ses verbes irréguliers et ses cortèges d'exceptions, préférable à notre bonne vieille grammaire grecque ou à la grammaire latine qui ont aussi leurs délires et qui ont aussi leur beauté ? Mais qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? C'est ma patrie, c'est ma famille, c'est ma langue. Je les respecte, je leur suis fidèle. J'écris soupiraux dès qu'il y a plus d'un soupirail. 

Je fais la part du hasard, de l’arbitraire, de l’absurde dans cette fidélité. J’ai de la chance. La France est un grand pays, sa langue a produit des chefs-d’œuvre qui nous donnent encore du bonheur, ma famille est sympathique, ma religion est très belle. De chacun de ces honneurs, je pourrais vous parler pendant des heures. L’histoire de France est une suite presque ininterrompue de catastrophes mêlées de quelques succès, mais nous en sommes fiers d’un bout à l’autre ; notre langue est absurde- Je me garde bien de l’avouer à Charles- et elle est en déclin, mais nous y sommes attachés plus qu’à n’importe quoi ; ma famille a ses drames, ses ridicules, son ennui profond comme toutes les autres familles, mais je n’en changerais pas volontiers ; je ne suis pas tout à fait sûr que la religion catholique, apostolique et romaine, qui est la mienne, avec son pape, son Vatican, son Sacré Collège, ses évêques et ses enfants de chœur- non, je ne parlerai pas de l’Inquisition pour des millénaires, mais je me ferais tuer pour elle. 

           Jean d’Ormesson de l’Académie française, Une fête en larmes, Robert Laffont, 2005.

III- Quelques axes de lecture

- Un roman sur fond d’interview

- Une leçon magistrale : le pluriel des noms en « ail » 

- Faire la part des choses : une attitude réaliste

- Repérage et interprétation de figures de style : comparaison, métaphore, parallélisme, anaphore, ellipse, antithèse, interrogation oratoire, énumération, etc.

IIII- Insistons sur :

1- Orthographe : Le pluriel des noms qui se terminent par « ail »

 

Les noms en -ail prennent -s au pluriel

Exemple : bétail / bétails

Les exceptions : les huit noms qui font leur pluriel en "-aux" sont : bail, corail, émail, gemmail, soupirail, travail, vantail, vitrail.

2- Le pronom personnel : «  leur »

Leur devant un verbe reste invariable 

Exemple : «  je leur suis fidèle »

3- La formation des mots : la préfixation

Pour fabriquer un nouveau mot on place un préfixe.

Exemple : « une suite presque ininterrompue »

26/03/2017

1 vote. Moyenne 5.00 sur 5.

Ajouter un commentaire

Date de dernière mise à jour : dimanche 26 mars 2017