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Un visage d'homme monstrueux

Texte choisi : "Un visage d'homme monstrueux" extrait de L'Etranger 

  1. Présentation de l’auteur : Né en 1913 en Algérie, Albert Camus est un brillant élève qui poursuit ses études de philosophie en Alger. Une tuberculose le conduira souvent en cure. Camus commença à écrire pour le théâtre et dans la presse, tout en étant engagé politiquement aux côtés des communistes.

« Rentré en France en 1940, Albert Camus entre dans la résistance et collabore au journal Combat. Il se met à travailler sur ses trois ouvrages du cycle de l’absurde : L’Étranger (un roman), Le Mythe de Sisyphe (un essai) et Calligula (une pièce de théâtre).  Son succès éditorial se confirme avec la sortie en 1947 de son roman La Peste. Intellectuel engagé,  Camus participe à tous les combats de son époque, la publication en 1951 de L’Homme révolté marque sa rupture avec Sartre et le courant marxiste. »

En 1957, Camus reçoit le Prix Nobel de littérature. Il meurt le 4 janvier 1960 à l’âge de 47 ans dans un accident de voiture.

  1. Texte : Un visage d'homme monstrueux

                Et j'ai essayé d'écouter encore parce que le procureur s'est mis à parler de mon âme.

                Il disait qu'il s'était penché sur elle et qu'il n'avait rien trouvé, Messieurs les jurés. Il disait qu'à la vérité, je n'en avais point, d'âme, et que rien d'humain, et pas un des principes moraux qui gardent le cœur des hommes ne m'était accessible. « Sans doute, ajoutait-il, nous ne saurions le lui reprocher. Ce qu'il ne saurait acquérir, nous ne pouvons-nous plaindre qu'il en manqué. Mais quand il s'agit de cette cour, la vertu toute négative de la tolérance doit se muer en celle, moins facile, mais plus élevée, de la justice. Surtout lorsque le vide du cœur tel qu'on le découvre chez cet homme devient un gouffre où la société peut succomber. » C'est alors qu'il a parlé de mon attitude envers maman. Il a répété ce qu'il avait dit pendant les débats. Mais il a été beaucoup plus long que lorsqu'il parlait de mon crime, si long même que, finalement, je n'ai plus senti que la chaleur de cette matinée. Jusqu'au moment, du moins, où l'avocat général s'est arrêté et après un moment de silence, a repris d'une voix très basse et très pénétrée : « Cette même cour, Messieurs, va juger demain le plus abominable des forfaits : le meurtre d'un père. » Selon lui, l'imagination reculait devant cet atroce attentat. Il osait espérer que la justice des hommes punirait sans faiblesse. Mais, il ne craignait pas de le dire, l'horreur que lui inspirait ce crime le cédait presque à celle qu'il ressentait devant mon insensibilité. Toujours selon lui, un homme qui tuait moralement sa mère se retranchait de la société des hommes au même titre que celui qui portait une main meurtrière sur l'auteur de ses jours. Dans tous les cas, le premier préparait les actes du second, il les annonçait en quelque sorte et il les légitimait. « J'en suis persuadé, Messieurs, a-t-il ajouté en élevant la voix, vous ne trouverez pas ma pensée trop audacieuse, si je dis que l'homme qui est assis sur ce banc est coupable aussi du meurtre que cette cour devra juger demain. Il doit être puni en conséquence. » Ici, le procureur a essuyé son visage brillant de sueur. Il a dit enfin que son devoir était douloureux, mais qu'il l'accomplirait fermement. Il a déclaré que je n'avais rien à faire avec une société dont je méconnaissais les règles les plus essentielles et que je ne pouvais pas en appeler à ce cœur humain dont j'ignorais les réactions élémentaires. « Je vous demande la tête de cet homme, a-t-il dit, et c'est le cœur léger que je vous la demande. Car s'il m'est arrivé au cours de ma déjà longue carrière de réclamer des peines capitales, jamais autant qu'aujourd'hui, je n'ai senti ce pénible devoir compensé, balancé, éclairé par la conscience d'un commandement impérieux et sacré et par l'horreur que je ressens devant un visage d'homme où je ne lis rien que de monstrueux. »

                                            Albert Camus, L’Etranger, 1942.

  1. Quelques axes de lecture

- Le sévère réquisitoire du procureur : une condamnation avant l’heure

- La question de la peine de mort

- Meursault : un personnage étranger dans sa propre société

- L’absurdité du monde dénoncé. Son « attitude envers maman » décriée par le procureur   

- Les marques du discours direct

- Analyse logique des phrases : « Il a répété ce qu'il avait dit pendant les débats. »

« Il a déclaré que je n'avais rien à faire avec une société dont je méconnaissais les règles les plus essentielles et que je ne pouvais pas en appeler à ce cœur humain dont j'ignorais les réactions élémentaires. »

  1. Insistons sur :
  1. La proposition subordonnée complétive, qui complète le verbe de la principale, est essentielle. Elle ne peut être ni supprimée ni déplacée. Elle occupe souvent, dans la phrase, les fonctions : C.O.D, C.O.I, sujet, attribut du sujet.

Exemple : « Il osait espérer que la justice des hommes punirait sans faiblesse. »

  1. La subordonnée relative

La proposition subordonnée relative est introduite par un pronom relatif : qui, que, dont, quoi ou  lequel (et ses variantes). Ce pronom relatif reprend souvent un antécédent exprimé dans la principale.

La subordonnée relative est généralement complément de l’antécédent puisqu’elle lui sert d’expansion.

NB : la relative peut être sans antécédent.

Exemples : un homme qui tuait moralement sa mère se retranchait de la société des hommes

28/02/2021

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